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DEAUVILLE 2009 - Le mélange des genres et des tonalités

Si l'année dernière, Deauville présentait des métrages dans la plus pure tradition de leurs genres respectifs, cette 35ème sélection nous a déniché nombre de films brouillant les pistes par des mélanges de tons et de genres. Ces partis pris, prennent d'abord par surprise le spectateur pour finalement se révéler être d'excellents moyens pour renouveler les genres, que ce soit les comédies romantiques, films dramatiques ou fantastiques.

Plus de limite pour les genres:

Commençons par le panachage qui surprend le plus: celui des genres. Plusieurs réalisateurs ont choisi de fusionner ou même de mixer les techniques du documentaire avec celles thriller en passant par la comédie ou la science fiction.

Ainsi, Lynn Shelton adopte un style très proche du documentaire pour filmer sa comédie "Humpday". La technique de la caméra portée n'est, certes, pas des plus originales en ces temps où beaucoup d'autres productions l'on fait bien auparavant mais, pour une comédie, l'effet conféré reste assez saisissant lors de certaines scènes pour apporter un plus au genre.

Pour "The Cove", Louie Psihoyos fait l'inverse, il tourne littéralement son documentaire comme un thriller. Il faut dire que son sujet s'y prête: il suit une bande d'activistes cherchant à capturer des images des massacres de dauphins perpétrés dans la Baie de Taiji, Japon. On suit, du coup, ce documentaire comme un thriller d'infiltration et l'on sent la menace bien réelle.

Enfin, dans un tout autre registre, "Personal Effects", associe le style impactant d'un drame dont le sujet est le deuil avec des éléments de comédies romantique si bien que le tout peut vraiment déconcerter.

Ces trois films fusionnent en quelque sorte deux genres tandis que d'autres insèrent des séquences en rappelant d'autres. Poursuivons avec le genre documentaire (très en vogue en ce moment), et même le genre "actualité/médias de masse", avec l'impressionnant "District 9". Neill Blomkamp choisit pour cette science-fiction de planter le décor et son contexte en introduisant de multiples fausses interviews d'experts, micros-trottoirs et images d'actualités pour nous immerger dans l'univers qu'il a créé. Une expérience intéressante…

"500 Jours Ensemble" insère, lui aussi, soudainement une petite séquence en noir et blanc s'inspirant du style des anciennes actualités des années cinquante pour expliquer les motivations de ses personnages. En emmenant, non sans humour, le spectateur dans un tout autre genre, Marc Webb enchante et renouvelle la comédie romantique puisqu'il ne s'arrête pas là. Désireux de nous faire voyager à travers l'esprit, il injecte aussi une séquence animé à l'instar du "Youth in Revolt" de Miguel Arteta qui, elle, sert plus d'artifice esthétique que de moyen pour éclairer un réel propos.

Désorientation avec le tons sur tons:

L'autre tendance de cette sélection fut les films mélangeant les tons et ceci produisait souvent un effet déroutant.

"The Informant!", par exemple, surprend par son ton léger, futile et désuet par rapport au sujet (une histoire d'espionnage industriel et de poursuites judiciaires) que l'on penserait traité à la "Révélations" ou "Traffic".

"Cold Souls" aussi, dans son mix entre drame et science-fiction, présente (largement plus qu'un "District 9" avec ses pâtés pour chats) un humour à la fois absurde et décalé qui offre au long-métrage de Sophie Barthes une dimension nonsensique et délurée. Plutôt troublant.
Un autre drame dont l'emploi du comique peut désorienter est "World's Greatest Dad". Avec un sujet aussi dur et sérieux que le deuil, Bobcat Goldthwait n'hésite pas à tartiner le tout d'humour potache et gras. Le résultat est incroyable puisqu'il parvient à faire d'une situation dramatique une comédie sans pour autant perdre le potentiel du sujet. Impressionnant !

Lee Daniels, quant à lui, choisit d'adapter le roman "Push" qui traite durement de l'inceste en insérant dans son premier film, "Precious", des éléments oniriques. Ces séquences ne font malheureusement pas mouche à tous les coups et peuvent couper l'intensité dramatique du film.

De même, sous ses airs de film social explorant la jeunesse rappelant légèrement "Kids", "Harrison Montgomery" bifurque brusquement en conte en s'abstenant de lancer des indices préalables au spectateur. Conséquence: ce revirement soudain déstabilise et discrédite tout ce que Daniel Davila avait pu mettre en place. Dommage!

Ainsi donc, malgré quelques ratés, ces mélanges des tons et des genres ont principalement eu pour effet de d'apporter de la surprise et ont contribué à renouveler les genres. Cette 35ème sélection est donc apparue audacieuse grâce à ces films aux partis-pris artistiques risqués mais innovants.

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Alexandre Romanazzi Envoyer un message au rédacteur