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Berlin 2009

Berlin 2009 - Bilan : Viols et conséquences

Traiter de l'atteinte physique, sans donner dans le voyeurisme ou s'abstraire totalement du sujet, n'est pas chose aisée. Quand Gaspar Noé terrifiait les spectateurs cannois avec une approche esthétisante et hyper-réaliste (« Irréversible »), ou que Catherine Breillat évoquait crument la fin d'un couple à coups d'instruments intrusifs (« Parfait amou »), d'autres auteurs choisissaient de s'attacher à l'après, douloureuse guérison de traumatisme. Mais dans tous les cas, le dépassement de l'acte, le début d'une nouvelle vie passaient nécessairement par la parole, au travers d'un procès (« Les accusés » avec Jodie Foster), d'une fuite matinée de rébellion (« Thelma et Louise »), ou de règlements de compte personnels (« Festen »). Plusieurs films traitaient de ce sujet à Berlin cette année, et ce principalement en compétition.

Dans "Storm" de l'allemand Hans-Christian Schmid, Kerry Fox interpréte une procureur, qui à cause d'un faux témoignage sur une rafle serbe, se retrouve à enquêter sur les agissements d'un dangereux ex-militaire souhaitant se lancer en politique. Rapidement l'intrigue se concentre sur le passé de la sœur du témoin, victime de sévices dans les sous-sols de ce qui est devenu depuis un luxueux hôtel. La peur est au cœur de ce film efficace, le récit jouant sur les menaces dont fait l'objet la jeune femme (troublante Anamaria Marinca, découverte dans « 4 mois, 3 semaines, 2 jours... »), jusque dans son intimité familiale et sur sa volonté initiale de garder son passé secret. Si la révolte est louable, les agissements de la femme de Loi ne sont au final pas des plus crédibles, malgré une dénonciation en règle de l'abandon de charges au profit d'arrangements politiques et un judicieux questionnement sur le rôle du tribunal de La Haye.

Du coup, dans les pays de l'Est, certaines préfèrent se faire justice elles-même. C'est le cas de l'héroïne de "Katalin Varga", dont le viol lui vaut des années plus tard, d'être rejetée par son mari, qui vient de découvrir que son fils n'est pas de lui. Katalin va donc mettre en œuvre son légitime désir de vengeance, son enfant sous le bras, en éliminant les uns après les autres ceux qui lui ont fait du mal. Sournoise, séductrice, la jeune femme est judicieusement portayée comme la nature autour d'elle, tantôt lumineuse à l'image de l'été, tantôt sombre comme la forêt. C'est d'ailleurs la vision de cette dernière, lieu impénétrable de tous les supplices, source d'une terreur indicible, qui trouble le plus, grâce à un formidable travail sur la photo et le son. Mais la peur a parfois des raisons d'être.

Toujours empreint du traumatisme de la guerre d'ex-Yougoslavie, "Human Zoo" de la danoise Rie Rasmunssen (en salles le 01 avril), confectionne les portraits croisés de deux immigrés marseillais: une albano-serbe et un américain bohème. Si la vision de la guerre semble assez réaliste, malgré un découpage façon clip, c'est à la reconstruction de son propre personnage (Adria) que s'intéresse la réalisatrice, ceci à l'aide d'un récit temporellement éclaté. La volonté de vivre est le fil conducteur qui mènera le personnage, non à pardonner, mais simplement à relativiser le rôle des hommes, tous n'acceptant pas le sort fait au femme, que ce soit dans les ruines du Kosovo ou dans les bas fonds de Marseille. Un film dans lequel la renaissance passe paradoxalement par une violence, toute masculine.

En s'éloignant de l'Europe, on trouve une logique autre, du côté du Pérou et du film qui raffla l'ours d'or. Dans "La teta asustada", du nom de la malédiction du « sein » ou du « lait » « triste », transmis par une mère violée à sa fille illégitime, l'on suit incrédule les souffrances de cette dernière, inexpressive et fuyante. Quand les femmes prennent soin les unes des autres, cela peut aboutir à une étrange poésie, la mère ayant, à titre préventif, déposé une pomme de terre dans le vagin de sa fille, pour qu'elle ne puisse pas subir le même sort qu'elle. La transmission d'un traumatisme politique et social aux générations futures, trouve ici une étrange et troublante résonance, au travers de ce portrait torturé, et des décors naturels arides, contrastant avec l'agitation d'une population aujourd'hui bien vivante, mais encore perdue dans ses superstitions. Comme quoi, le seul échappatoire, à l'image de la fin du film, le long d'une plage, immense, ouverte, est de laisser le passé derrière soi. Une chose certainement facile à dire !

Olivier Bachelard Envoyer un message au rédacteur