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MA PART DU GÂTEAU

Un film de Cédric Klapisch

Une savoureuse recette douce amère

Après la fermeture de l’usine de Dunkerque où elle était ouvrière, France tente de retrouver un emploi dans la capitale. De l’autre côté de la Manche, Stéphane, trader à la City, amasse les millions et se voit promu à Paris. Leur destins vont se croiser le jour où France se présente à la porte du golden boy comme femme de ménage...

Les films de Cédric Klapisch sont comme de bons copains. On les voit toujours avec plaisir, ils nous attendrissent, nous font rire, nous comprennent, et jamais ne nous déçoivent (excepté “Peut-être” peut-être). Dans le fond, “Ma part du gâteau” ne faillit pas à la règle. Dans la forme, par contre, quelques détails diffèrent. Ici, pas de chorale d’acteurs, seulement deux grands rôles, et aucun pour Romain Duris. Plus social que “Riens du tout”, moins grave que “Paris”, le dernier Klapisch prend racine dans l’actualité, et installe son ton joliment comique au cœur du tourment causé par la crise.

Une femme de ménage, propulsée malgré elle dans le faste de l’argent facile, voici le mythe de Cendrillon re-visité. à la différence qu’ici, le prince n’est pas vraiment charmant. Telle une allégorie, Karin Viard porte ici le prénom de France et subit de plein fouet les conséquences de la délocalisation. “Est-ce que j’aurais pu imaginer le réveil de la Chine ?” se lamente t-elle soudain. Victime d’une nouvelle ère économique, elle se trouve confrontée à un cruel paradoxe. Celui de devoir se faire passer pour une immigrée de l’Est afin de retrouver un emploi. Tout comme Stéphane qui devient Steve sur le floor de la City, la voilà pourvue d’une fausse d’identité pour gagner sa vie.

À première vue, les ficelles du scénario semblent grossières. Deux personnages que tout sépare et qui sont soudainement confinés dans l’intimité d’un appartement. La chute semble irrémédiable. Or, Klapisch arrive subtilement à emprunter les chemins de traverse plutôt que les sentiers battus. Drôle et pertinent, il laisse libre cours à la caméra et s’offre de jolies envolées. Une 205 qui file entre d’immenses containers colorés du port de Dunkerque, un jet qui survole Londres, ou plus simplement : cette très jolie scène où France et ses filles investissent en dansant le supermarché, trop heureuses de ne pas avoir à compter. Un esthétisme propre au réalisateur qui aime soigner la perspective de ses plans, et cela sans redondances.

Inversement, le film sait aussi appuyer là où ça fait mal. Derrière le conte de fée, la cruauté du pouvoir se dévoile. À l’image de ce petit intermède troublant à Venise, où Gilles Lellouche, tel un prédateur, ne lâche sa proie qu’une fois rassasié. Sous couvert d’une comédie bien menée se dessine le juste portrait de deux mondes aux antipodes. Celui des traders, et celui des syndicalistes. On pourra noter la présence dans un petit rôle de Xavier Mathieu, leader charismatique des ouvriers de «Continental». Un discours à double tranchant, qui ne perd pas le fil de son propos initial. Certes, le ton doux-amer du film pourra en déconcerter quelques uns, néanmoins «Ma part du gâteau» n’en est pas moins un film attachant qui, à bien y regarder, est fort habilement construit.

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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