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CHANTRAPAS

Un film de Otar Iosseliani

Cheap et pas choc

Nicolas est un jeune cinéaste géorgien, qui aspire à s’exprimer en toute liberté. Hélas, son premier film est censuré par les comités d’idéologues censés faire appliquer les règles en vigueur. Soutenu par sa famille, il décide alors de quitter la Géorgie pour s’installer à Paris et y présenter son film. Mais la France est-elle vraiment cette “terre de liberté et de démocratie” tant espérée ? ...

Le thème de la liberté au centre de la création fait saliver. Surtout venant de la part d’un réalisateur comme Otar Iosseliani, certes âgé, mais doté d’une malice façon Tati qui a su conquérir un large public de cinéphiles depuis plus de quarante ans. Et pourtant, quelle déception ! Si "Chantrapas" se veut désuet et nostalgique, c’est surtout vieillot et désincarné qu’il apparaît aujourd’hui. Pendant deux heures, le film ne cesse d’avancer des promesses qu’il ne tient jamais, pire, qu’il contrecarre systématiquement.

L’un des principaux défauts du film est d’être très mal interprété du début à la fin. Ce n’est pas un hasard, puisque pour parvenir à un maximum d’authenticité, Otar Iosseliani a choisi de filmer des acteurs non professionnels. Or leur attitude sonne tellement faux, que l’on se demande quel est l’intérêt d’un tel parti-pris. Par exemple, dès la première scène, l’apparition d’enfants gazouillants et tentant maladroitement de jouer leur rôle d’enfants constitue un véritable supplice. Aucun des personnages n’est vraiment crédible, y compris les figurants.

Le personnage de Nicolas n’échappe pas à la règle. Bien que censé véhiculer les valeurs fondamentales de création sans concession et de quête obstinée de liberté, il est incarné sans verve par un acteur qu'on pourrait presque qualifier d'aussi charismatique qu’une huître. Et comme si l’inconsistance ne suffisait pas à discréditer ce piteux héros, celui-ci affiche des traits de caractère hautains et suffisants, qui le rendent à certains moments proprement intolérant, fermé à tout dialogue. Cette traduction jusqu'au-boutiste de la liberté d’expression et de l’intégrité artistique n’est pas dénuée de sens, puisque l’art peut être considéré comme une forme d’extrémisme. Mais au travers de ce jeune acteur, elle a le chic d’énerver. Ajoutez à cela un cruel manque global de rythme, et vous ressentirez un surprenant mélange d’ennui et d’agacement.

Deux parenthèses amusantes viennent toutefois sauver quelques minutes du film : l’arrivée à Paris de Nicolas, décrite comme une espèce de bond dans le futur confrontant le jeune Géorgien à la modernité, et l’apparition inopinée d’une créature féérique tout droit sortie de l’imaginaire collectif, incarnation onirique des idéaux défendus par le film et que Nicolas finit par atteindre à sa façon. C’est touchant, mais bien insuffisant pour reconnaître à "Chantrapas" une once de poésie.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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