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SEVEN SWORDS

Un film de Tsui Hark

Chaos déceptif

En 1660, la Mandchourie annexe la Chine pour y installer la dynastie Ching. Le gouvernement interdit la pratique des arts martiaux afin de maintenir l'ordre et la discipline dans le pays. Ravage, général de la dynastie antérieure, aide le gouvernement à faire appliquer la nouvelle loi pour s'enrichir rapidement. Il s'attaque à la dernière ville frontière, dont les habitants sont réputés rebelles et courageux. Fu Qingzhu tente de mettre un terme à cette boucherie et décide de sauver le village. Il convainc deux habitants de l'accompagner jusqu'au Mont Céleste pour solliciter l'appui d’un Grand Maître. Ce dernier leur vient en aide et ordonne à quatre de ses meilleurs disciples de partir. Les sept guerriers vont alors affronter l’envahisseur sanguinaire...

Quatre ans après Time and Tide, son dernier chef-d’œuvre, Tsui Hark revient à ses premières amours : le wu-xia-pian, genre qui avait fait sa renommée avec la série des Il était une fois en Chine. Le maître du chaos filmique y reprend dans les grandes largeurs l’intrigue des Sept Samourais de Kurosawa, avec son style visuel entre épopée fantasmatique et surstylisation quasi expérimentale. Hélas, après les cinématiques abrutissantes de Legend of Zu, le cinéaste hong-kongais cède ici à d’autres débordements moins pardonnables.

Le plus manifeste tient en ce scénario jamais maîtrisé, souvent absurde, parfois carrément incompréhensible (pourquoi cette boule de feu qui embrase le ciel ???). Si le pitch est simplissime (des super guerriers défendant un village de l’envahisseur), Hark le surcharge 2h30 durant de personnages secondaires et autres sous-intrigues indigestes qui plombent violemment le rythme du récit. Du traître parmi les villageois aux histoires amoureuses en passant par une vengeance, difficile de s’y retrouver et surtout de s’attacher un instant aux personnages. Ainsi seul Ravage, général complètement barré et grand méchant du film sort du lot. Parce qu’il est le seul à échapper à des schémas manichéens ou à une caractérisation poussive. Parce qu’il symbolise à lui seul la hargne chaotique caractéristique de l’univers de Tsui Hark.

Ce dernier lui oppose un monde pétri de bons sentiments qui lorgne vers l’humanisme de son modèle avoué : Kurosawa. Mais là où le génie japonais touchait par son universalité, Hark se vautre dans la mièvrerie et les figures éculées : héros en ombre chinoise sur des couchers de soleil, chevaux courant dans la prairie et j’en passe… Comme Kurosawa, Hark tente de faire un pont entre culture asiatique et occidentale. Peines perdues tant l’élève est incapable de s’imprégner sans le dénaturer du style de John Ford. Il en reprend tous les thèmes (le déracinement, la lutte pour la dignité humaine…) sans inspiration, sans souffle, confinant à l’indifférence.

Pour tout dire, Seven Swords déçoit surtout parce que sa forme est indigne d’un tel cinéaste. Entre combats brouillons, effets cheap et plans inutiles, il ressemble plus à un blockbuster hollywoodien mal torché qu’à autre chose, ce que n’arrange pas une BO très pompière. Et puis il y a ce combat final : un monument. Ravage et l’un des sept s’affrontent dans un couloir étriqué, le tout filmé avec une virtuosité inouïe, qui rappelle The Blade, LE chef-d’œuvre épique de Tsui Hark souvent autocité ici, presque jamais réédité. Cette seule scène pousse en tout cas à découvrir la version longue de 4 heures qui sortira en DVD : même si le pathos aura bien du mal à en être exclu, la flamboyance sera quant à elle peut-être de retour.

Thomas BourgeoisEnvoyer un message au rédacteur

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