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WOLF AND SHEEP

Une fascinante immersion

Dans les montagnes afghanes, les enfants d’un petit village gardent le bétail. En veillant sur les troupeaux, les petites filles cancanent et les petits garçons s’exercent à chasser les loups avec leur fronde. Le soir les anciens aiment leur raconter l’histoire de cette peau de loup qui, jetée au feu aurait donné naissance à une fée verte…

Il a fallu pas moins de huit ans de travail à la jeune réalisatrice afghane Shahrbanoo Sadat (26 ans seulement) pour pouvoir finaliser son premier film. Loin des conflits meurtriers et des actes terroristes, qui marquent l’Afghanistan de manière indélébile, la jeune femme s’est battue pour montrer un autre visage de son pays. Son film, qui a comme fil conducteur une vieille légende, révèle le quotidien d’un village et de ses habitants.

Nichés au sommet des montagnes, ces derniers veillent avant tout à la survie matérielle du village. L’humain en tant qu’individu n’a que peu de places. Si une femme devient veuve, elle doit retrouver un mari au plus vite, quitte à laisser ses enfants à sa famille éloignée pour que ceux-ci ne soient pas un poids financier pour le nouvel époux. Quand un enfant est blessé par un autre, les anciens observent la blessure non pas pour le soigner mais pour définir la dette que le père du fautif devra acquitter à celui de la victime.

Un état d’esprit sans concession qui pour s’adapter à la rudesse du climat laisse peu d’innocence à ses enfants. Très jeunes ils se doivent d’être autonomes et responsables de leurs actes. Seule la légende de la fée verte vient donner une autre dimension à leur peur matérielle du loup mais aussi à celle d’autres prédateurs fanatiques et armés dont l’ombre rôde sur le film sans jamais être réellement nommé.

Outre la simple fiction, "Wolf and sheep" nous offre une immersion assez fascinante dans une culture que l’on pensait figée par le chaos laissé par les conflits. Loin de nos frontières, l’Afghanistan n’éveille en nous que désolation alors que dans ses montagnes, la vie perdure organisée et heureuse. C’est cet aspect oublié de tous que la jeune cinéaste nous rappelle aujourd’hui. Son film, très bien construit est lui-même la preuve d’une obstination sans failles à survivre malgré les risques. Car il doit en falloir du courage pour réaliser un film quand on est une jeune fille dans un état où la condition féminine est toujours extrêmement opprimée (les scènes de la fée verte mettent en scène une jeune femme quasiment nue). Une prouesse remarquable autant dans sa forme que dans son fond, récompensée à la Quinzaine des Réalisateurs du Prix international des Cinémas Art & Essai et qui mérite amplement l’intérêt du public, ne serait-ce que pour soutenir cette jeune cinéaste à poursuivre sa carrière prometteuse.

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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