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VINCERE

Un film de Marco Bellocchio

Un portrait bien austère

Dans les années 10, Benito Mussollini était un syndicaliste provocateur. Lors de réunions publiques, il aimait par exemple défier Dieu de la foudroyer dans les 5mn, prouvant ainsi qu’il n’existait pas. Sous le charme, la jeune Ida Dalser va devenir sa femme, celle qu’il ne reconnaîtra jamais…

On se demandait bien ce que Bellocchio, capable du meilleur (« Le sourire de ma mère »), comme du pire (« La nourrice », « Le maître des armes ») allait pouvoir faire d'un sujet aussi sensible. Car s'intéresser à la passion entre Mussollini et Ada, c'était s'intéresser à l'homme dans son intimité, derrière la façade de dictateur. Et l'auteur italien s'en tire par une mise en scène d'une austérité inquiétante, montrant l'insensibilité du politique, la combativité de la femme, et surtout, la complicité castratrice de l'église.

Le portrait du Duce, malgré le choix d'un acteur pas vraiment ressemblant, d'autant flagrant qu'on peut voir ponctuellement des images d'archive, est plutôt réussi. Sortant des ténèbres, son visage se dessine par contours, inquiétant, les yeux exorbités, agissant mécaniquement, comme possédé ou absent dans les scènes d'amour charnel. Il est décrit comme ambitieux, insatisfait, s'affranchissant de toute morale. Une fois à la tête du pays, il est incarné presque de manière indirecte, au travers des discours, mais aussi des moqueries de son fils, qui l'imite.

Et cela est légitime, car Bellocchio ne s'intéresse plus qu'à son inaccessibilité, celle qui exclut Ada. C'est là la partie intéressante du film, loin des cafouillis insupportables sur fond de piano saloon qui jalonnent le film à force d'actualité cinématographique d'époque tournant au pugila, lorsque le réalisateur se concentre sur le martyr de la femme. La scène d'internement, découverte progressive de visages fantomatiques (autres folles, médecins, policiers...), s'avère cauchemardesque. En plein contraste avec les sublimes tableaux mis en lumière lorsqu'Ada, accrochée aux grilles, lance ses lettres éperdues dans un rideau de neige pesante, ou quand son jeune fils, caché sous les lits de l'orphelinat, fait courir les bonnes sœurs, provoquant une improbable valse des robes de chambre.

Certaines images du dernier Bellocchio sont donc tenaces. Et malgré l'ennui global que génère le film, on ne peut qu'admirer l'élégance de la mise en scène, et surtout l'interprétation de Giovanna Mezzogiorno, tiraillée par une passion qui supporterait toutes les humiliations, qui pardonnerait l'insupportable.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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