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UN HOMME INTÈGRE

Un film de Mohammad Rasoulof

La spirale infernale de la corruption

Au nord de Téhéran, Reza et sa femme possède une petite ferme piscicole. Un jour, seul dans son entrepôt, Reza injecte de l’alcool dans des pastèques qu’il cache soigneusement dans le plancher. Un homme arrive et questionne agressivement Reza au sujet de toutes les pastèques qu’il a achetées le matin. Il fouille mais ne trouve rien à l’exception un fusil qu’il lui confisque…

Un homme intègre film image

Pour fêter Norouz (le nouvel an du calendrier persan), les Iraniens ont pour tradition de mettre en place les Haft Sîn, une cérémonie où on dispose sur une table sept objets commençant par S et quelques poissons rouges dans un bocal. Une coutume qui entretient plusieurs fermes piscicoles, comme celle que Reza a achetée avec sa femme pour quitter l’effervescence de Téhéran. Malheureusement, le retour sur investissement se fait attendre et le couple fait face à de grosses difficultés financières. À l’abri des regards, le banquier propose à Reza d’effacer leurs agios en échange d’un gros billet, mais contre toute attente celui-ci refuse. Commence alors pour lui et sa famille une douloureuse descente aux enfers.

Tel un cruel effet papillon, les représailles envers la petite famille vont s’enchainer et se répercuter sur des personnes qui ne sont en rien concernées par l’incident initial. Brillamment construit, le film de Mohammad Rasoulof développe ainsi un sinistre jeu de dominos pour dénoncer les tragédies auxquelles est exposée une grande partie de la population iranienne quand elle ne rentre pas dans le rang du pouvoir.

Pourtant, dans cette société qui impose sa morale si particulière à ses citoyens, le personnage de Reza lutte avec acharnement pour défendre la sienne. Viscéralement intègre, l’homme sera prêt à tout pour ne pas céder au chantage. Une rage puissamment incarnée par l’acteur Reza Akhlaghirad dont le seul regard suffit à exprimer toute la tension intérieure de son personnage. Une tension que l’homme tente parfois de calmer dans un havre de paix dont lui seul connaît l’entrée : une source d’eau chaude souterraine où il peut librement fumer et boire de l’alcool de pastèque. Des gestes simples et pourtant si lourds de conséquences quand on vit entre la mer Caspienne et le golfe Persique.

En écho à la pertinence sans concession de son discours contre le pouvoir iranien, Mohammad Rasoulof s’est vu confisquer son passeport le 16 septembre dernier à l’aéroport de Téhéran. Il a été accusé de « propagande contre le régime » et il risque la prison. Comme beaucoup, il aurait pu s’exiler et rejoindre sa femme et sa fille qui sont désormais à l’abri en Allemagne, mais Mohammad Rasoulof est lui aussi un homme intègre. Il veut que son pays redevienne une terre de libertés et pour cela il faut le changer de l’intérieur en continuant à tourner des films. Comme celui-ci, magistral et percutant. Une œuvre qui mérite ainsi un vrai succès public. Il est toujours primordial de se mobiliser pour des auteurs opprimés, qui plus est quand ils ont autant de talent.

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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