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THE NICE GUYS

Un film de Shane Black

Welcome to Hollywood !

Deux actrices porno : l’une morte dans un accident de voiture, l’autre disparue avec plein d’hommes lancés à sa poursuite. Pour les détectives privés Jackson Healy et Holland March, c’est le début d’une enquête pour le moins farfelue au coeur du Hollywood des années 70…

Shane Black, ce n’est pas juste un réalisateur. Ce n’est pas non plus une marque de fabrique, même si les occasions pour le prouver ne manqueront pas dans cette critique. C’est aussi, et avant tout, un état d’esprit. Une façon décalée et ludique d’aborder le genre – a fortiori le buddy-movie – pour mieux le revisiter, le transcender et en décupler le potentiel divertissant. Depuis les années 80, les occasions de croiser la route du bonhomme n’ont pas manqué, de son apparition comme acteur dans le "Predator" de John McTiernan jusqu’au triomphe planétaire d’"Iron Man 3", en passant par une première réalisation géniale ("Kiss kiss bang bang") et une flopée de films culte où son travail de scénariste irradiait (la liste est trop longue, allez voir sa filmographie…). Et pour ceux qui n’auraient pas encore jugé le génie postmoderne de Black à sa juste valeur, ne serait-ce que pour sa capacité à dégainer de la punchline millésimée, revoir "Last Action Hero" sera sans doute la piqûre de rappel la plus salutaire avant d’aller déguster "The Nice Guys".

Retrouver Shane Black à nouveau aux commandes d’un buddy-movie n’étonne guère. On peut néanmoins s’intriguer, durant la première heure, des ressemblances trop marquées avec "Kiss kiss bang bang" : le duo d’enquêteurs (l’un maladroit, l’autre cogneur), la starlette disparue (encore une star du porno), le microcosme hollywoodien dans le viseur (encore une manipulation ourdie par de hautes instances), l’atmosphère en grand écart entre Raymond Chandler et Robert Altman, les ramifications narratives assez tordues, la présence féminine bien piquante (mais un peu plus jeune, cette fois-ci…), un ton pasticheur plus ou moins affirmé, les soirées luxueuses bien arrosées (avec encore un contorsionniste dans un coin du cadre !), on en passe et des meilleures. Alors quoi, tout pareil qu’avant ? Pas vraiment.

Même avec des ingrédients que l’on a déjà avalés, la recette Shane Black a cela de brillant qu’elle vise à pousser sans cesse les curseurs au-dessus à chaque nouveau film. Si "Kiss kiss bang bang" restait arrimé aux conventions de la série noire en dépit de son irrésistible drôlerie, "The Nice Guys" prend en revanche tous les chemins de travers et s’autorise à peu près toutes les excentricités. On passe ici d’une flopée d’interrogatoires musclés (merci à Russell Crowe pour distribuer aussi bien les bourre-pifs) à un gros délire en voiture avec une fourmi géante sur le siège passager (merci à Ryan Gosling pour jouer aussi bien les abrutis), le tout surchargé d’une avalanche de répliques si bidonnantes que l’on rêve déjà de se repasser le film en DVD, télécommande en main, rien que pour les apprendre par cœur. Quant à la mise en scène, inutile de dire que Black s’en sort, une fois de plus, haut la main, ses cadres étant d’une composition minutieuse (en plus d’une production design irréprochable) et la fluidité du montage étant la condition sine qua non pour faire passer une intrigue aussi tarabiscotée comme une lettre à la poste.

Dans le fond, "The Nice Guys" ne mérite pas d’analyse précise, y compris dans le regard sarcastique que Black pose à nouveau sur un Hollywood clairement coenien, garni de vices cachés et d’humains complètement lézardés de la cafetière. Inutile aussi, par ailleurs, de passer des heures à décrypter chaque décalage situationnel (en particulier le meurtre « déshabillé » qui ouvre le film) comme une potentielle bombe à fragmentation satirique. Seuls comptent ici le plaisir du rythme, la folie de la mécanique, la puissance du rire – ici particulièrement élevé. Des surprises, le film en recèle tellement qu’on vous invite simplement à aller les découvrir en salles, alors qu’il vient tout juste d’être présenté hors compétition à Cannes. Même averti, le spectateur en sortira épaté au point de rendre les armes et de laisser son esprit critique au vestiaire. Nice, indeed.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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