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STAR WARS, ÉPISODE VIII : LES DERNIERS JEDI

Un film de Rian Johnson
 

POUR : Niveau 4 – Épique

Alors que Rey vient enfin de retrouver la trace de Luke Skywalker, les troupes rebelles menées par la princesse Leia Organa sont soumises aux assauts perpétuels de la flotte du Nouvel Ordre, dirigée par le cruel leader Smoke. Un nouvel espoir est-il toujours possible ?

Le moins que l’on puisse dire c’est que le nouvel épisode de la saga "Star Wars" s’éloigne enfin des chemins balisés sur lesquels était resté désespérément l’épisode 7, sorti il y a deux ans ("Le Réveil de la force"). Après un spin-off "Rogue One", palpitant l’an dernier, et avant un "Han Solo Movie" prévu pour fin mai prochain, ce nouvel opus, réalisé par Rian Johnson ("Looper"), ne manque ni d’action, ni de surprises, ni de rebondissements, ni d’effets spéciaux maîtrisés et de créatures nouvelles.

Ressemblant quelque part à une grande réunion de famille, dans laquelle apparaissent tout de même quelques petits nouveaux (Laura Dern en général de la résistance, Kelly Marie Tran en combattante pleurant sa mère, le petit robot noir...), le film fait la part belle à de nouveaux types de vaisseaux, de nouvelles créatures (elles sont nombreuses, mais pour certaines, attachantes…), et regorge de belles idées visuelles. Le rouge vient ainsi compléter formellement l’équilibre pictural entre blanc et noir, fondateur des précédents épisodes. Et bien entendu, le film prend un relief tout particulier du fait de la disparition prématurée de Carrie Fisher (qui joue la Princesse Leia), certaines scènes en devenant d’autant plus fortes.

Les décors sont surprenants, les histoires menées en parallèles sont épiques, les interprètes plongés au cœur d’une action plus ou moins chorégraphiée, et si certains traits d’humour tombent par moment à l’eau, d’autres, plus discrets, feront mouches, ravivant quelques souvenirs. Si certaines âmes chagrines y verront avant tout l’occasion de produire de nouvelles figurines pour un merchandising devenu certes envahissant, d’autres trouveront que certains passages auraient pu donner matière à plus de développements. Ceux là attendront avec impatience la conclusion, dans deux hivers, de la saga, une nouvelle fois sur grand écran.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

Certes, les promesses suscitées par "Le Réveil de la Force" étaient peut-être trop grandes pour concrétiser ce que l’on était en droit d’attendre d’une nouvelle trilogie "Star Wars". Reste que là, pour le coup, la crispation que l’inintéressant "Rogue One" nous avait collé sur le visage a de quoi s’intensifier davantage. On en vient même à s’excuser d’avoir passé plusieurs années à considérer George Lucas moins comme un cinéaste que comme un businessman opportuniste, tant la stratégie de production initiée par Disney et Kathleen Kennedy révèle enfin sa véritable nature au détour de plusieurs scènes des "Derniers Jedi". Répondant aux critères d’exigences made in Marvel, "Star Wars" n’est désormais plus une mythologie visant à s’épanouir au gré des décennies et des rêves des fans avec qui elle souhaite communier. C’est au contraire un rouleau-compresseur financier, dont la seule exigence est d’honorer un calendrier de commandes pour chaque mois de décembre de chaque année, histoire d’inonder les multiplexes avec des produits formalisés cinq ans à l’avance. LucasFilm n’est donc plus un studio, mais un supermarché pur et simple. Et le simple fait que Rian Johnson – réalisateur de cet Episode VIII – ait été proclamé réalisateur d’une quatrième trilogie en préparation (déjà douze films au total !) est un signe qui ne trompe pas.

Il n’est plus un secret pour personne que le défaut le plus récurrent concernant l’Episode VII était de se limiter soi-disant à une déclinaison simpliste des péripéties de l’Episode IV. Nous avions déjà tenté de contrer cette hypothèse dans notre critique du film de J.J. Abrams : on persiste à ne pas y voir un copier-coller, mais au contraire un opus progressiste et opératique qui honorait le contenu campbellien de la trilogie de Lucas en en décalant sensiblement les enjeux. Mais là, on prépare déjà nos zygomatiques à l’idée d’entendre les mêmes râleurs refuser d’admettre que "Les Derniers Jedi" ne fait que décliner la syntaxe et les enjeux de "L’Empire contre-attaque", cette fois-ci avec un jeu narratif qui ne fait même plus l’effort d’innover où que ce soit. En gros, tandis que les rebelles prennent la fuite en essayant de semer l’Empire (euh pardon… le Nouvel Ordre) qui les pourchasse, le héros (ici la jeune Rey) s’en va sur une planète désertée afin d’y rencontrer un vieux sage (vous savez déjà de qui il s’agit…) qui va l’initier aux règles des Jedi et ainsi redonner l’espoir dans la galaxie. Du coup, côté surprises et retournements de situation, la trame ne révélera rien de bien scotchant. Johnson ne vise d’ailleurs pas à transcender "Star Wars" par un surplus de noirceur ou par une autre logique de scénario, mais à en normaliser les événements selon un mode narratif couru d’avance. Ou comment l’abus de nostalgie supplante le désir d’étendre un univers préexistant. Le tout avec une enfilade d’action déjà vue en mieux auparavant et de créatures numériques à peu près aussi indigestes que les Ewoks – mention spéciale aux Porgs qui vont sans doute investir les sapins de Noël.

Pire encore : en y intégrant – sacrilège ! – un humour de gamin de huit ans censé dédramatiser chaque situation, Rian Johnson signe un "Star Wars" qui semble clairement au bord du claquage à force de ne pas savoir quel ton choisir. Est-ce un film plus sombre que l’Episode VII ? Est-ce un film plus léger que la très controversée prélogie ? Ni l’un ni l’autre, et d’ailleurs, peu importe. Chaque composante des "Derniers Jedi" n’obéit à rien d’autre qu’à un cahier des charges commercial, censé ratisser large au détriment de toute forme d’imprégnation et d’émerveillement qui faisait jusque-là la force de cet univers. Entre un entraînement Rey/Luke qui frise le "Karaté Kid" du pauvre, le caméo ridicule d’un Yoda bouffi (on dirait qu’on lui a collé dix marshmallows dans la bouche !), des stars venues faire un petit coucou dans des rôles-fonctions (Laura Dern, Benicio Del Toro…), des méchants qui serrent les dents et abusent des rictus pour nous montrer à quel point ils sont méchants (vous connaissez le sens du mot « nuance » ?), des travellings vertigineux sur un Faucon Millénium qui enquille les vrilles, de nouvelles règles qui interviennent sans aucune raison (tiens, ATTENTION SPOILER les Jedi peuvent désormais se téléporter en faisant la position du lotus ?!?), une virée dans une planète-casino qui nous renvoie aux pires moments de "L’Attaque des clones" et un BB-8 définitivement intronisé en couteau suisse de la franchise, on a juste envie de se tourner les pouces.

En définitive, rien ne surprend. Rien ne stimule. Rien ne fait voyager. Rien ne fait rêver. Mais on s’interroge : n’est-ce pas tout simplement parce qu’on mange un peu trop de "Star Wars" depuis quelques années ? Peut-être bien, après tout… Il est en cela tragique et profondément douloureux de juger un tel film, en l’état indigne de l’épisode tant fantasmé qui aurait dû catapulter la saga "Star Wars" vers de nouvelles galaxies lointaines, très lointaines. Ce qui était une saga emblématique de la galaxie geek depuis près d’un demi-siècle est désormais en passe de se manger le mur de la normalité. Jusqu’à un plan final que l’on ne révélera pas, mais qui, par ce qu’il évoque en matière de nostalgie et de transfert générationnel, rend plus explicite que jamais la fonction première de ce huitième épisode : préparer son public non pas à la fin d’une trilogie en cours, mais à l’apparition de nombreuses trilogies à venir. En gros, "Les Derniers Jedi" n’est pas un film autonome, mais en réalité la bande-annonce de tout un tas d’autres films à venir, à l’image de tous ces déchets super-héroïques que Marvel et DC font traîner d’une année sur l’autre en indiquant à quel point il est nécessaire d’attendre les films suivants. A un tel degré d’opportunisme, on en vient à se ficher éperdument de savoir ce qui constituera l’Episode IX. On va même laisser tomber, histoire d’arrêter la désillusion et de ne pas se noyer davantage dans le côté obscur…

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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