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SALAUD, ON T'AIME

Un film de Claude Lelouch

Polar foireux, chronique chaleureuse : Lelouch en demi-teinte

Jacques Kaminsky a passé toute sa vie à privilégier son activité de photographe de guerre au détriment de ses quatre filles et de sa vie de famille. Au moment où il coule des jours heureux avec sa nouvelle compagne Nathalie en plein cœur des Alpes, son meilleur ami tente de le réconcilier avec sa famille en lui inventant une maladie incurable…

Il y a bien une chose que l’on ne peut certainement pas reprocher à Claude Lelouch : rester fidèle à la ligne directrice de sa carrière. En quarante-quatre films répartis sur pas moins de cinquante ans de carrière, le cinéaste n’aura de cesse que de jouer avec les conventions narratives (cassures temporelles, ruptures de ton, mélange des genres, etc…) au sein d’intrigues complexes, pour la plupart reliées à la thématique du temps qui passe et à plein d’autres éléments qui le touchent, de la cohabitation en groupe jusqu’au marivaudage amoureux. Après, que l’on aime ou non ce qu’il propose reste une question de point de vue et de sensibilité. Dans le cas de ce nouveau film, il sera vital de faire très vite son choix, tant ce qu’il offre n’est rien de moins que son film le plus personnel. L’idée maîtresse du film sera d’évoquer frontalement son statut d’artiste passionné et de patriarche absent (rappelons qu’il est le père de sept enfants issus de cinq relations différentes), et ce à travers le prisme d’un artiste bien connu pour avoir vécu une vie amoureuse et professionnelle tout aussi riche. Cet artiste, c’est évidemment ce cher Johnny Hallyday, dont le visage buriné se scrute désormais comme un paysage magnifique et qui, ici, incarne une sorte de double du cinéaste.

Ce parallèle fait toute la richesse émotionnelle du film, même si celle-ci effectue un exercice de funambule entre pas mal de lourdeurs (que l’on redoutait hélas de la part de Lelouch) et une sincérité indiscutable. Certes, quand Lelouch fait du Lelouch, on sait à quoi s’attendre : un best-of de la radio Nostalgie en guise de bande-son (cette fois-ci, c’est le regretté Georges Moustaki qui s’y colle), des symboles bien signifiants (cette fois-ci, c’est un superbe rapace qui s’y colle), des dialogues parfois trop ampoulés et des citations souvent encombrantes. Rien de tout cela ne manque ici à l’appel, mais se révèle compensé par une émotion et une chaleur humaine sans cesse perceptibles, en tout cas durant une très belle première heure de métrage. Sur le domaine de la chronique familiale qui nous fait autant plaisir que la joie qui se lit sur le visage de la sublime Sandrine Bonnaire (définitivement le plus beau sourire du cinéma français en compagnie de Mélanie Doutey !), Lelouch se fait chaleureux sans trop en faire, et réussit même à faire preuve de simplicité, là où bon nombre de ses précédents films avaient la désagréable manie de toujours chercher à en rajouter des kilos.

C’est hélas dans sa deuxième moitié que Lelouch se remet à tutoyer ses vieux démons. Étant donné que déstructurer son scénario à la manière d’un Tarantino continue de titiller son esprit aventureux, le cinéaste poursuit sa chute dans la veine policière, à savoir un registre qu’il ne maîtrise absolument pas. Au vu d’un mystère très mal amené, d’une gestion du suspense complètement gadget (on trouvera plus de tension dans un épisode de "Derrick" !) et d’un duo de révélations expédiées à la va-vite, l’ajout de cette sous-trame constitue une sacrée gaffe, de même qu’un événement tragique à mi-chemin montre la propension de Lelouch à avoir du mal à calmer ses excès mélodramatiques. Il n’empêche qu’on lui accordera le bénéfice du doute, surtout au vu des beaux moments qu’il a su offrir et d’une scène finale touchante où le partage d’un joint devient autant un signe de fraternité qu’un gage de paix retrouvée.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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