Banniere_11_films_de_separation_Saint_Valentin

SAGAN

Un film de Diane Kurys

Bonjour, César

En 1954, une jeune femme de bonne famille voit son premier roman publié. Entre prix et salons, le succès public arrive progressivement, faisant de « Bonjour, tristesse » de Françoise Sagan un véritable phénomène...

Cette biographie d'une des plus célèbres écrivains françaises était prévue initialement pour une diffusion télévisée. Grâce certainement à l'interprétation magistrale de Sylvie Testud, confondante de mimétisme, et à la tristesse si délicate qui filtre du film, une version courte a finalement les honneurs d'une sortie en salles, en ces débuts juin meurtriers.

L'interprétation de Sylvie Testud ne peut en effet qu'être saluée, tant ses transformations sont convaincantes. Qu'elle joue la gamine chétive, nerveuse mais faisant preuve d'aplomb face à un éditeur de renom, qu'elle soit l'ingénue flambeuse imbibée de whisky, qu'elle incarne la femme qui se fout de l'argent et souffre des avis de ses proches, ou qu'elle exprime les derniers souffles de vie d'une vieille, solitaire par fatalité, l'actrice est Sagan, tout simplement. Dans les détails de la gestuelle, comme dans les intonations hoquetées de la voix, elle en impose à presque chaque plan.

Ponctuée de moments déchirants (la mort du père, la dépendance), la mise en scène de Diane Kurys (« Après l'amour... », « La Baule les pins ») sait laisser place à la tristesse ambiante, ponctuant son récit de balades solitaires, accompagnées d'un lancinant air de piano virant au violon vers la fin du film. Sa construction, parsemée en voix-off de réflexions écrites de l'auteur, s'articule autour d'un long flash-back faisant la part belle à la maison qui n'aurait jamais dû être vendue, coeur vibrant de cette famille qu'elle s'était bâtie, à force de proches eux aussi savamment interprétés (mention spéciale à Jeanne Balibar, en Peggy Roche, particulièrement alcoolisée). Le film commence en ces lieux, pour y retourner, et enfin se terminer de manière déchirante sur une plage, symbole rêvé d'une réconciliation impossible avec la vie.

Pour qui saura se laisser bercer par la tonalité fataliste des citations, des réflexions sur l'écriture ou sur une vie qu'on croirait presque observée de l'extérieur, l'envie de se (re)plonger dans les textes de Sagan persistera longtemps après la projection. Si « écrire c'est inventer ce qu'on sait déjà », ou « tromper son ennui et oublier qu'il vous manque l'essentiel », les substituts à l'amour et la vie ne sont pas passés sous silence, qu'il s'agisse de l'influence de la cocaïne ou du fait de « voir grandir un enfant » qui « rend encore plus triste », sans parler de « l'argent » qui « devrait rendre libre alors que ça rend fou celui qui en a, comme celui qui n'en a pas » et que Sagan s'amuse à jeter par les fenêtres. Comment alors ne pas se prendre d'affection pour ce petit brin de femme, ce « charmant petit monstre » qui finira décatie, titubante, dans une maison qui n'est même plus la sienne. Déchirant.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

Laisser un commentaire