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REVOLUCIÓN

Mexique je t’aime

Dix court-métrages pour fêter les 100 ans de la révolution mexicaine, dix regards contemporains sur un pays au passé riche et aux multiples facettes…

Le film à sketchs est un genre intéressant, à la fois peu risqué pour le spectateur indécis (qui voit ses chances de passer un bon moment multipliées) et en même temps rarement réussi, la principale difficulté étant de composer à partir de regards contrastés (sur la forme comme sur le fond) un ensemble significatif et équilibré. Difficile, en effet, de ne pas tomber dans l’enfilade de courts-métrages sans écarts ni surprises, l’exercice de style un peu trop mécanique ou encore l’excès de formalisme, faute d’histoire ou de sujet à raconter.

En ce sens, on peut dire que « Revolución » est un film plutôt réussi, évitant de nombreux écueils du genre. Tout est suggéré dans le titre : il s’agit moins d’un portrait du Mexique d’hier et d’aujourd’hui qu’une suite de variations sur le thème de la révolution, qu’elle soit personnelle, collective, historique, sociale ou familiale. Le film parvient ainsi à prendre un peu de hauteur, privilégiant la vision humaine et humaniste au contexte politique, sans toutefois l’ignorer. Bien sûr, et c’est plutôt agréable, tous les styles et points de vue sont permis : de la comédie sentimentale à la peinture sociale, de l’anecdote à la tranche de vie, du métrage minimaliste à l’expérience arty. Et chaque pièce du puzzle, de la plus fluide à la plus fouillis, vient compléter l’ensemble avec une certaine force, offrant une lecture surprenante et souvent intéressante de la révolution.

S’ils sont de teneur émotionnelle ou visuelle inégale, les différents sketchs se complètent bien, suivant un ordre qui permet de temporiser les ambiances trop denses (la fête orgiaque de « Ceci est mon royaume ») ou trop brutes (la fuite mystérieuse de deux hommes ensanglantés dans « R-100 »). On peut reprocher à certains court-métrages d’être anecdotiques (« La Bienvenue », qui ouvre gentiment la danse), inaboutis (« Le magasin de l’Hacienda », qui démarre pourtant bien) ou trop formalistes (« 7th street & Alvarado », qui clôture l’ensemble dans un souffle d’esthétisme pur). Or, mis bout à bout, tout ce petit monde devient aussi cohérent qu’une famille recomposée, qui poserait un regard à la fois proche et distancié, grave et amusé, lucide et optimiste sur son identité et son devenir.

Le court-métrage le plus remarquable est sans doute celui d’Amat Escalante (« Los Bastardos »), intitulé « le prête pendu », qui confronte la modernisation du pays à ses archaïsmes ruraux persistants, dans une jolie traversée du désert à la fois cinéphile (l’allusion aux westerns de Sergio Leone) et allégorique (le pénible voyage initiatique menant aux bastions du capitalisme). Suit de près « 30/30 », de Rodrigo Pla (« La Zona »), mettant en scène une tournée de commémoration de la révolution devenue farce de folklore et de médiatisation. Plaisant dans son ensemble, ponctué de beaux morceaux de cinéma, « Revolución » est aussi un bel hommage aux réalisateurs mexicains d’aujourd’hui, une lucarne invitant à découvrir un cinéma qui ne cesse de se distinguer dans le monde entier.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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