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LA PIROGUE

Un film de Moussa Touré

Une fable humaine bouleversante

Un village de pêcheurs proche de Dakar, au Sénégal. Un convoi en pirogue se prépare à partir pour les îles Canaries, en territoire espagnol. Baye Laye n’a pas envie de quitter sa famille, mais étant pêcheur de métier, il est seul capable de mener à bon port les 30 Africains décidés à partir. Parmi eux, des hommes de communautés différentes, qui n’ont pas été préparés au voyage qui les attend…

De 2003 à 2011, des milliers d’embarcations du Sénégal ont pris d’assaut l’océan Atlantique. Cette page de l’histoire contemporaine des voyages migratoires, assez méconnue, est au cœur de cette fiction dramatique présentée au festival de Cannes 2012 dans la section Un Certain Regard. Bien qu’il s’agisse de son troisième long métrage, Moussa Touré est surtout connu pour ses documentaires. Il n’est donc pas étonnant que « La Pirogue », outre son sujet, soit marqué dans sa forme par le sceau de l’ultra-réalisme.

Après un premier quart d’heure d’exposition visant à décrire le cadre de vie du protagoniste – un village pauvre mais enjoué - , et son contexte familial - une épouse, un enfant et un jeune frère rebelle - , le film en vient assez rapidement au vif de son sujet. Les préparatifs du voyage, gérés par un homme que l’on sent davantage obnubilé par la rentabilité de son affaire que par le confort des hommes qui monteront à bord de la pirogue, placent d’ores et déjà le périple sous une mauvaise augure. Un pressentiment renforcé à la vision des voyageurs, fébriles, dont certains n’ont même jamais vu la mer.

Ce périple, Moussa Touré décide de le filmer de l’intérieur de la pirogue, ne donnant au spectateur aucun répit. La mise en scène, sobre, progresse au fil du récit : d’abord serrée sur chacun des personnages afin d’évoquer leur personnalité et leurs motivations propres, elle s’élargit ensuite au groupe, donnant ainsi à voir de quelle manière des individus, soumis à une forte adversité, sont naturellement amenés à se souder entre eux. Cette démonstration quasi anthropologique est assez saisissante, d’autant plus que les membres de l’équipage sont tous issus de communautés aussi différentes que pourraient l’être des nations ou des continents. Ainsi, les voir s’ouvrir aux autres et partager leurs rites pour se donner du courage (par des chants tribaux notamment) insuffle au film une vibrante dose d’humanité.

Alternant des scènes très dures, comme cet impressionnant épisode de la tempête qui s’abat sur la pirogue en pleine nuit, ou les découvertes macabres qui s’ensuivent, et des scènes plus réconfortantes, qui imposent la convivialité comme seul moyen de survie, le film parvient à maintenir l’attention du spectateur et à le rallier à son récit. Latente tout au long du film, l’émotion finit par éclater dans une conclusion à double tranchant, qui ne laissera personne indifférent. Un film simple et beau sur l’être humain, comme on aimerait en voir plus souvent.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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