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NO HABRA PAZ PARA LOS MALVADOS

Un film de Enrique Urbizu

Efficace requiem pour flic fantôme

Un homme, passablement éméché, se fait éjecter d'un bar sur le point de fermer. Non découragé, il se dirige alors vers une boîte de striptease, où, devant le même refus d’être servi, il sort sa plaque de policier. Pris avec une certaine complicité condescendante par un patron mielleux, il dégaine subitement son arme, et descend les trois personnes présentes. Dans un accès soudain de lucidité, il efface ses traces et examine les lieux, tombant sur quelqu'un caché dans le local de surveillance. Après une sobre altercation, ce dernier réussit à s'échapper en moto...

L'ouverture de « No habra paz para los malvados », thriller espagnol, donne le ton de cette odyssée vers les bas fonds d'un policier qui a tout perdu. Le réalisateur, Enrique Urbizu, suit ainsi pas à pas son fantasmatique héros à la poursuite de celui qui pourrait lui valoir sa perte, témoin involontaire du massacre qu'il a perpétré. Nerveux, renfrogné, impulsif et calculateur, cet anti-héros va user de tous les outils et pouvoirs que lui confère sa position, pour débusquer cet homme qui menace sa sécurité de flic devenu pourri. Et José Coronado fait littéralement des merveilles dans ce rôle, transmettant une inquiétude au spectateur grâce à sa stature imposante, son regard vide et déterminé, et la rigidité de la silhouette qu'il a su adopter.

Doté ainsi d'une tension certaine, le film adopte une trame certes linéaire, mais multiple, puisque notre obscure personnage sera lui aussi traqué, par une juge peu conciliante et son équipe, dont l'un de ses anciens collègues. D'autant que la simple tuerie du départ finit par générer des troubles qui impliquent tout le réseau de trafic de drogues d'un Madrid qu'on a rarement perçu sous cet angle. En effet, loin de représenter la ville en lieu festif et animé que l'on a en tête, le réalisateur se concentre sur des lieux isolés, de la zone industrielle où se situe le bordel du début, jusqu'aux décharges lointaines dans lesquelles notre homme se débarrasse des preuves gênantes.

Notons tout de même que « No habra paz para los malvados » est loin d'être dénué d'un certain humour, disposant par exemple de quelques personnages secondaires croustillants, histoire d'adoucir un peu l'ambiance pesante, tel l'indic marocain improbable, sorte de playboy qui mange à tous les râteliers. Un maître mot permet cependant de qualifier cette spirale infernale : efficacité. Efficacité d'une œuvre nerveuse et dotée d'un rythme à part, dans laquelle un homme seul, héros de ce western urbain, met progressivement le feu à tout un milieu. Efficacité d'une mise en scène ample, qui prend son temps pour installer chaque lieu et explose en éclairs de violence. Efficacité, enfin, d'une interprétation couillue.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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