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NIGHTMARE DETECTIVE

Un film de Shinya Tsukamoto

Cauchemar Nippon

Chargée d'enquêter sur une série de suicides inexpliqués, une jeune inspectrice en vient à demander l'aide du Nightmare Detective, jeune homme glauque, ayant le pouvoir de pénétrer dans les rêves d'autrui...

Sortie en DVD le 7 mai 2008

Depuis la sortie, il y a neuf ans, du totalement fou "Gemini", le cinéma de Shinya Tsukamoto avait déçu. Entre le porno-soft-mou "A Snake of June", le nécrophilico-chiant "Vital" et l'expérimentalo-naze "Haze", le génie génial et fou furieux semblait se chercher, trouvant dans les films d'autres francs-tireurs japonais ("Dead or Alive 2" et "Ichi the Killer" de Takashi Miike, "Marebito" de Takashi Shimizu) matière à nourrir son imagination débordante. Quel plaisir, donc, de voir le cinéaste revenir à ses premiers amours, par le biais d'un film certes en deçà de ses chef-d'oeuvres passés, mais traversé des fulgurances hystérico-nihilistes propres à l'auteur de "Tetsuo".

En voilà un film inclassable, plongée étouffante dans les méandres d'une société japonaise au bord de l'implosion. Dès sa première scène, "Nightmare Detective" pose le ton : ce sera noir et poisseux, loin de tout optimisme. En collant aux basques de son héroïne étrange (très belle Hitomi au regard figé sur l'incompréhensible), Tsukamoto nous fait pénétrer dans le quotidien de japonais en proie au désespoir le plus total. Adolescente suicidaire, mari absent ou flic naïf, tous ses personnages auto-destructeurs sont les proies d'un serial-killer onirique terrifiant, campé par Tsukamoto lui-même, dans un grand numéro de psychopathe absolu adepte de l'auto-mutilation.

Traversé d'éclats gores bien visqueux, alternant scènes de dialogues posées et poursuites oniriques complètement hystériques, "Nightmare Detective" nous dépeint un monde empli d'asociaux à la volonté de mourir évidente, d'autistes torturés trop facilement manipulables, au sein desquels le Détective des Cauchemars en titre, fait figure de totem ombrageux, sorte de super-héros nihiliste (oui, je me répète, mais c'est comme ça !) et maudit.

Quand l'histoire du film, éminemment complexe dans sa narration déstructurée (on passe du rêve à la réalité, du passé au présent, en un clignement d'yeux), trouve sa résolution dans un affrontement final complètement trash (la caméra s'énerve comme une vache enragée, pendant que le sang gicle à gros bouillon et que Tsukamoto nous achève dans son rôle de cinglé total), c'est avec un soulagement non feint que l'on savoure un lever de soleil tokyoïte.

Entre la forme dégénérée des deux premiers "Tetsuo", la décadence sociale de l'épuisant "Bullet Ballet" et le jusqu'au-boutisme narratif de "Tokyo Fist", le dernier opus du maître agité du cinéma japonais s'inscrit comme un retour aux sources des plus salvateurs.

Frederic WullschlegerEnvoyer un message au rédacteur

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