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MORGANE

Un film de Luke Scott

Il y avait de l'idée…

Morgane est une jeune fille exceptionnelle. C’est tout du moins ce que ne cessent de répéter les membres l’équipe de scientifiques qui s’occupent d’elle. Car Morgane n’est pas une jeune fille comme les autres. Elle pourrait incarner l’un des plus grands progrès scientifiques de l’histoire de l’humanité ! Mais elle pourrait aussi se révéler être une terrifiante menace…

Il faut bien le reconnaître, le concept de ce film était alléchant : des scientifiques gardent et observent une mystérieuse jeune fille créée artificiellement et qui pourrait être le point de départ de formidables avancées dans le domaine de la biotechnologie. Cela dit, ne s'agissait-il pas là d'un choix de facilité de la part de Luke Scott ? Tout d’abord car ce thème de l'homme-machine est récurrent au cinéma car il fascine le spectateur en suscitant en lui insufflant une peur mêlée de désir. Ensuite car c’est papa lui-même qui a réalisé l’une des œuvres les plus marquantes sur le sujet en 1982, alors que Luke avait 14 ans ; on parle bien évidemment de "Blade Runner". Mais après tout, rien n’empêche de choisir un thème très usité, du moment qu’on en fait quelque chose de personnel et d’original.

Les 45 premières minutes du film sont de cette trempe. On découvre les habitants de la maison mais aussi Lee, le personnage de Kate Mara dont on ne sait rien au début du film si ce n’est qu’elle est consultante pour ce qui semble être une énorme multinationale technologique. On apprend à connaître les autres personnages à travers l’enquête de Lee, et donc, à travers la relation que chacun entretient avec Morgane, car c’est pour cette dernière que la consultante est venue. Un choix de mise en scène assez intéressant puisqu’il nous focalise dès le début du film sur les deux personnages centraux, à savoir Morgane et Lee.

Certes on ne sait pas grand-chose de cette dernière, mais on en sait encore moins sur Morgane, hormis le fait qu’elle a violemment agressé l’une des personnes qui s’occupent d’elle. Et il faut attendre plusieurs dizaines de minutes avant d’avoir un vrai aperçu du personnage. Et même alors, la jeune femme reste très énigmatique. On apprécie ce mystère et la tension qui s’en dégage, d’autant qu’on sait que quelque chose va se passer. On le sait car "Morgane" est un thriller, mais surtout parce que cette fille a déjà crevé l’œil d’un autre personnage dans un accès de rage.

Du coup, la première moitié du film fonctionne très bien. On est naturellement intrigué par ce qui se passe dans cette maison et au sein de cette équipe de scientifiques. Sur quoi travaillent-ils exactement ? Quelle est cette mystérieuse entreprise qui emploie tous les personnages du film ? Pourquoi a-t-on le sentiment persistant que quelque chose d’important nous échappe ? Bref, on est à fond dedans et on attend avec impatience que tout s’accélère et que le film s’emballe comme c’est habituellement le cas dans ce genre de long-métrage.

Tout vient à point à qui sait attendre, nous voici arrivés au milieu du film. Mais au lieu d’un magnifique emballement répondant aux questions soulevées par la première partie, tout en nous offrant quelques beaux instants de frissons, on a seulement le droit à un étalage de personnages secondaires stupides et d'incohérences totalement hallucinantes. On dirait presque que Luke n’a montré que la première partie du film à son papa avant d’envoyer des copies dans tous les cinémas du monde… Quelle déception ! Après avoir passé trois quart d’heure à construire quelque chose, comment peut-on le saccager à ce point ? Même si finalement, on se rend compte que tout ce désastre était une sorte de préparation pour un twist final très convenu. On parlait de solution de facilité au début de cette critique, et bien c’est exactement l’impression que nous laisse la fin du métrage. Comme s’il avait fallu terminer le film dans l’urgence avec un morceau de scénario griffonné sur un coin de table.

Attention, il reste tout de même de très bonnes choses dans ce long-métrage, d’autant qu’il s’agit du premier de Luke Scott. L’aspect visuel particulièrement soigné par exemple. La plupart des séquences sont efficacement découpées et les plans bien cadrés et éclairés. À défaut d’être agréable à suivre, force est de reconnaître que c’est agréable à regarder. Toutefois, la séquence finale vient en partie remettre en cause tout cela. Mise en contexte : deux personnages se cherchent dans la forêt au cours d’une sorte de poursuite très lente. Un type de scène qu’on retrouve dans de très nombreux films et qui est, en principe, un excellent moyen de faire monter la pression avant un affrontement. Sauf qu’ici, Luke Scott monte tout ça en mélangeant maladroitement deux styles. D’un côté, on a des plans tournés caméra à l’épaule qu’on peut interpréter comme des vues subjectives, ce qui suggérerait que l’un des protagonistes a repéré l’autre et l’observe. D’un autre côté, on a de magnifiques plans de semi-ensemble, parfaitement fixes. Tout cela manque de cohérence et c’est bien dommage car jusque-là, le film était presque irréprochable du point de vue technique.

Entre cette séquence de fin un peu ratée et cette seconde moitié de film réduisant à néant la quasi-totalité des bonnes choses amorcées dans la première partie, "Morgane" a de quoi nous laisser un désagréable arrière-goût d’inachevé.

Adrien VerotEnvoyer un message au rédacteur

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