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MOONLIGHT

Un film de Barry Jenkins

Le portrait éblouissant d’un jeune rejeté pour sa sexualité

Le parcours de Chiron à trois étapes essentielles de sa vie. Né dans un ghetto de Miami, d’un père absent et d’une mère junkie, le jeune garçon en quête de son identité sexuelle va rapidement devoir affronter la dureté de son quotidien…

Au clair de lune, Juan raconte une histoire au jeune Chiron qu’il a pris sous son aile. Un jour, alors qu’il était enfant et qu’il courait dans les rues, une dame âgée l’interpella pour lui dire qu’à cette heure de la nuit, les gens de couleur noire apparaissaient comme bleus. Cette simple phrase contient toute l’essence de ce film sobre et pudique. Car tout le métrage sera un jeu sur les apparences, sur le paraître, sur comment ce garçon va être obligé de cacher sa véritable personnalité, et devenir quelqu’un d’autre pour se fondre dans le paysage. Sur trois décennies, "Moonlight" suit ainsi ce bambin grandir et évoluer dans un milieu où la virilité est sacralisée, alors que sa sensibilité le différencie forcément.

Coming of age movie comme on dit outre-Atlantique, le métrage surprend en permanence, saisissant la vie dans les ghettos comme rarement. Précisément parce que ces quartiers difficiles ne sont pas le sujet, le réalisateur évite tous les clichés pour proposer une œuvre profondément intense où les qualités plastiques ne sont plus à démontrer. Doux et sensible, à l’image de son protagoniste principal, "Moonlight" tisse habilement sa toile narrative, prenant le temps des digressions et des petits détails qui participent à la tension de l’ensemble. Traitant de l’intime avec une tonalité épique, ce drame multi-récompensé impressionne par la fluidité de sa trame scénaristique, malgré la construction en trois actes.

Capturant aussi bien un état d’esprit qu’une époque, comme avait su le faire Richard Linklater avec "Boyhood", ce conte urbain sur la quête d’identité sexuelle bénéficie également de la prestation parfaite des comédiens. En particulier, Mahershala Ali, en mentor au grand cœur, habite les premières minutes et marque durablement la pellicule malgré sa présence réduite. Récit initiatique aux envolées lyriques, "Moonlight" offre un portrait flamboyant d’un gamin devenant un homme en acceptant progressivement les sentiments qui le tourmentent. Si Barry Jenkins obtient un Oscar, personne ne devrait crier au scandale…

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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