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MAYA

Un film de Mia Hansen-Løve

Se reconstruire à Goa

Gabriel est un otage fraîchement libéré qui revient en France. Pour faire face à ce traumatisme, il part en Inde, loin. Il arrive à Goa, la ville de sa jeunesse, où il fait la connaissance de Maya, la fille de son parrain…

Goa est une zone particulière de l’Inde, et sous la caméra de Mia Hansen-Løve, l’Inde elle-même prend un nouveau visage. Loin de la vitesse et des gens de Bombay, c’est la fête, la drogue, la paresse de Goa qui embrassent les personnages. Loin du Bollywood, de la splendeur et du faste, "Maya" propose un film discret, intimiste et pudique, qui préfère regarder ses personnages dans la glace plutôt que frontalement. Un film qui laisse leurs pensées à l’intérieur. La caméra n’est jamais un microscope ou un voyeur, mais plutôt un observateur silencieux qui suit le périple de Gabriel, un jeune homme en errance suite à sa libération.

Mia Hansen-Løve fait de Roman Kolinka, pour leur troisième collaboration, un avatar d’elle-même et de son grand-père. Il est reporter de guerre, comme l’était le grand-père de la réalisatrice. Il est en besoin de grands espaces et de partir dans cette Inde des souvenirs, comme elle qui avait besoin de retrouver un nouvel air après le très intime et très proche d’elle "L’Avenir". La réalisatrice prend le temps de dépasser le seuil des paysages, elle ne garde pas de Goa le seul aspect festif et paradis des hippies, elle montre comment cet espace est en train de changer en raison de la politique de construction agressive des investisseurs et de la corruption. Elle pose aussi, le temps d’un dialogue, la question écologique de préservation d’espaces comme les bassins d’eau douce de cette région. Elle pousse également la représentation traditionnelle de l’Inde montrant un Noël indien avec des chants si particuliers.

Maya est Aarshi Banerjee, une jeune fille de 16 ans qui joue ici son premier rôle au cinéma. Le personnage est très proche d’elle et elle porte ses propres vêtements pour la plupart des scènes du film. Comme Gabriel, elle joue un personnage en errance et en attente de quelque chose, sans vraiment le chercher. Elle laisse venir les choses à elle et se réfugie chez ses parents, dans le silence et le calme de Goa, pour laisser venir la vie à elle. Avec Gabriel, elle découvre les premiers émois amoureux. Cet homme taiseux est revenu d’un enfer jamais décrit ou montré, celui d’être un otage en Syrie au début de la guerre, avec ses décisions difficiles et dures qui lui ont ouvert les yeux.

Le film prend le temps de s’enfoncer dans l’Inde dans des extraits tournés en Super 16 mm. Mia Hansen-Løve change de pellicule, laisse le 35 mm pour le 16 afin de changer la matière de son film, entrer de manière différente, plus introspective dans la pensée de son personnage. Un film suspendu et pudique, qui par les silences et les regards invite le spectateur à l’introspection, à un petit peu de laisser-aller, au rythme de l’errance de ces deux corps.

Thomas ChapelleEnvoyer un message au rédacteur

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