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L'ENNEMI INTIME

Guerres intérieures

Algérie, 1959. Les opérations militaires s'intensifient. Dans les hautes montagnes Kabyles, Terrien, un lieutenant idéaliste, prend le commandement d'une section de l'armée française. Il y rencontre le sergent Dougnac, un militaire désabusé. Leurs différences et la dure réalité du terrain vont vite mettre à l'épreuve les deux hommes. Perdus dans une guerre qui ne dit pas son nom, ils vont découvrir qu'ils n'ont comme pire ennemi qu'eux-mêmes...

Le nouveau film de Siri, de retour de son escapade outre-atlantique, vient combler un grand vide. Car si l’on sait la capacité du cinéma américain à exorciser ses démons, la production française a toujours été plus réticente dans l’exploration de sa propre histoire. Quelques métrages (le docu de Rotman, scénariste ici, et qui s’appelait déjà l’ennemi intime) ont abordé le conflit algérien, mais l’ampleur du 4ème long de Siri est inédite.

Proche de celui de films de guérilla tels que Platoon, Croix de fer ou Voyage au bout de l’enfer, le scénario très documenté se concentre sur un bataillon de l’armée française aux prises avec le FLN dans le maquis algérien. La narration suit leur parcours au gré des missions, exécutions et autres beuveries désespérées. D’une approche très viscérale, la caméra virtuose de Siri capte le lot d’absurdités propre à toute guerre, mettant en exergue la question de l’identité des combattants. Algériens servant la France depuis toujours, anciens du FLN enrôlés dans l’armée française… et inversement. Une situation indigne et paradoxale qui atteint son paroxysme lorsque deux anciens camarades se retrouvent opposés, l’un devant exécuter l’autre.

Western du Maghreb, L’Ennemi Intime interroge les forces obscures sommeillant en tout un chacun et scrute puissamment l’effritement des lignes séparant le bien du mal. Au cœur de cette tragédie, Magimel voit son idéalisme juvénile s’affaisser face à la haine rampante, tandis que Dupontel va au bout d’un rôle destructeur. La crudité des scènes de massacre ou de torture prend aux tripes. Sans complaisance, le cinéaste donne une vision décomplexée mais responsable d’un conflit abject.

N’oubliant jamais le spectacle, il se garde pour autant de verser dans l’héroïsme facile, resserrant au fil des minutes sa mise en scène autour de ses personnages rongés de remords, soldats perdus dans le désert de la morale. Il ne les juge jamais, blocs d’ambiguïté campés aussi par de magnifiques seconds rôles (Fellag, Barbé, Recoing, tous sublimes). Un film terrassant d’humanité meurtrie.

Thomas BourgeoisEnvoyer un message au rédacteur

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