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L'ATELIER

Un film de Laurent Cantet

Poignant et puissant, un film coup de poing sur les troubles idéologiques d’un adolescent

Antoine accepte de participer à un atelier d’écriture sous l’égide d’une romancière à succès. Rapidement, le garçon se retrouve en porte-à-faux du reste du groupe, mais sa violence va trouver un écho particulier chez l’écrivaine…

Robin Campillo était définitivement partout en cette soixante-dixième édition du Festival de Cannes. Réalisateur du très remarqué et acclamé "120 battements par minutes", le cinéaste est également co-scénariste de ce surprenant portrait d’une jeunesse qui ne se reconnaît plus dans l’Histoire de ses aînés. Les premières images sont celles d’un jeu vidéo : un avatar tire des flèches dans le vide, symbole d’un ennui littéralement meurtrier, de ce désir d’évasion corrompu par une rage retenue. Derrière le personnage animé, il y a Antoine, un adolescent de La Ciotat ayant accepté de consacrer une partie de son été à un atelier d’écriture mené par une romancière parisienne à succès.

Avec la même sobriété que dans "Entre les murs", la caméra capte les débats de ces jeunes à l’accent chantant, d’abord sur la rédaction d’un polar, puis rapidement sur notre société. La pellicule transpire de réalisme. Le montage est chirurgical. Laurent Cantet maîtrise avec brio sa tension dramatique. Puis arrive l’explosion, aussi douce que violente. Antoine, isolé du reste du groupe, prend la parole. Calmement, il laisse sortir sa colère, se lançant dans une logorrhée nihiliste et sanguinolente. Le métrage vient de prendre une nouvelle tournure, se parant d’une dose de thriller, façon "Foxfire ", qui ne cessera de s’épaissir au fil des minutes. Beaucoup auraient condamné le comportement évidemment répréhensible de ce gamin nourri aux vidéos d’un sbire d’Alain Soral et qui pense trouver dans le racisme un moyen de se rebeller. Mais "L’Atelier" est bien plus subtil, esquissant une relation troublée et troublante entre ce jeune à la dérive et cette écrivaine à la fois effrayée et attirée par sa violence.

Passionnant, le récit trouve un écho particulier dans son décor, le soleil du Sud répondant à la noirceur de son protagoniste, la ville de la Ciotat et son chantier naval délaissé reflétant l’évolution de notre société discutée par cette bande d’apprentis romanciers. Complexe et foisonnant, le film convoque de nombreuses thématiques sans jamais perdre le fil, celui d’une autopsie de la jeunesse d’aujourd’hui, avec ses craintes et ses maladresses, ses espoirs et ses doutes. Sans chercher l’universalité ou le moralisme, ce thriller méridional recourt à une liberté de ton rarement égalée, tout en maintenant un véritable suspense. Simplement impressionnant.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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