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JOURNAL DE FRANCE

Le monde d’en bas

Raymond Depardon parcourt la France pour photographier au gré de son envie des lieux représentatifs de la France des sous-préfectures. En parallèle, sa compagne Claudine Nougaret fouille dans les archives du cinéaste pour retrouver des séquences inédites de ses films afin de retracer la carrière de cet homme considéré comme l’un des meilleurs documentaristes français...

« Soyez naturels ! » Voici le conseil donné par ce retraité du sud de la France à ses copains lorsque Raymond Depardon les fait poser devant son objectif. Naturel, c’est la qualité première du style du cinéaste qui depuis près de 50 ans parcourt le monde pour retranscrire l’essence d’une époque. Patient et curieux, l’homme n’hésite pas à se mettre en danger pour aller là où personne ne va. Que ce soit dans la jungle inhospitalière du Biafra déchiré par la guerre civile ou que ce soit sur les routes départementales de Moselle, Raymond Depardon garde la même ligne de conduite : être le témoin objectif du monde moderne.

En 2004, lors d’un déjeuner avec sa femme et le monteur Simon Jacquet, il entreprend de revenir sur son parcours de cinéaste en piochant dans ses archives jusqu’ici inédites. Le projet tarde à se concrétiser et Raymond Depardon décide de prendre du recul en parcourant seul les routes de France. De nature modeste, le documentariste trouve ainsi un prétexte pour ne pas avoir à raconter lui même son histoire. Son passé, c’est Claudine qui va nous la raconter. Des jours durant, elle trie les rushes sélectionnés par son mari afin de réaliser le précieux montage de ses reportages passés.

En résulte deux films en un. Celui de Claudine, trame principale du documentaire, qui reprend chronologiquement les moments forts de la vie de son compagnon et celui de Raymond, qui ponctue le précédent de réflexions sur son travail de photographe. Ses courtes interventions, offrent des respirations aux récits souvent tragiques que vont nous conter ses archives. La carrière de Raymond Depardon est en tout point singulière. Qu'il s'agisse de ses ébauches où il suit avec de jolis plans séquences les badauds au hasard des rues, ou d'un grand reportage témoin de l’histoire contemporaine, le ton est donné : Depardon est un cinéaste du réel. Sa pudeur et son professionnalisme font oublier sa caméra et les sujets qu’il filme sont totalement désinhibés de toute représentation.

« Journal de France » est d’autant plus passionnant que les sujets traités par le cinéaste révèlent des moments historiques méconnus dont lui seul fut le témoin. Poil à gratter des autorités, le reporter fut souvent mis en examen pour avoir dénoncé les dérives de l’État français. Pour exemple, cette entrevue avec l’archéologue Françoise Claustre alors otage de rebelles toubous au nord du Tchad. Ce témoignage ramené clandestinement en France alertera l’opinion publique et fera céder le gouvernement jusqu’alors impassible. De l’avènement de Bocassa au tribunal correctionnel de Paris, le réalisateur filme la cruelle réalité d’un monde qui gronde.

Raymond Depardon, sous couvert d’une bonhommie tranquille, cache une quête de connaissance insatiable. Encore aujourd’hui il ne se lasse pas de témoigner de son époque au travers des prismes les plus variés, que ce soit la friche rurale ou les jardins de l’Élysée, où il y a peu, il fut amené à réaliser le portrait officiel de François Hollande. À l’image du film de Varda « Les plages d’Agnès », « Journal de France » offre la mémoire d’un personnage hors du commun qui cache dans son passé des perles encore méconnues. Un film hommage qui séduira tout un chacun et donnera envie de revoir l’ensemble de l’œuvre du cinéaste.

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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