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HÉRÉDITÉ

Un film de Ari Aster

Tout est dans le titre !

Le décès de la matriarche de la famille Graham pousse Annie, son mari et ses deux enfants à revenir habiter dans la grande demeure familiale. Sauf que, rapidement, leur vie paisible se retrouve perturbée par d’étranges phénomènes, visiblement en lien direct avec les secrets de la défunte…

Syndrome plus ou moins propre aux fans de cinéma de genre, l’art de surestimer totalement une œuvre, que ce soit parce qu’on a fait partie des premiers à l’avoir vue ou parce qu’elle effleure certains fantasmes cinéphiles, part sans doute d’intentions louables. Mais comme souvent, le culte préfabriqué a tendance à disparaître aussi vite qu’il est apparu. Dans le cas d’"Hérédité", un buzz hallucinant aura fait le tour du Net suite à sa présentation au festival de Sundance en janvier 2018, laissant présager un véritable rollercoaster effrayant doublé d’un audacieux film de genre à la singularité frappante.

Et là, sans vouloir paraître prétentieux, on imagine aisément une poignée de journalistes peu familiers du genre, pour qui les noms de Nicolas Roeg, de Robin Hardy et de Ben Wheatley n’évoquent rien, et qui ne manqueront pas de relier la chose à une référence connue de tous – en l’occurrence "L’Exorciste" de William Friedkin – pour lui trouver une filiation factice. Hélas, pour les friands de films comme "Ne vous retournez pas" (dont il reprend l’idée d’un propos rendu ambigu par un goût de l’ésotérisme et une science folle des effets de montage) ou "Kill List" (dont il duplique à peu de choses près la terrifiante scène finale), le premier long-métrage d’Ari Aster a de quoi suinter la redite et provoquer un léger ennui. Sans pour autant nous laisser déçus de la chose, loin de là !

Tout ce que l’on garde en mémoire se résume ici à un plan précis, celui qui ouvre le film, où se construit un savant jeu de perspectives qui désoriente durablement le spectateur tout en présentant de façon détournée le véritable sujet du film. Moins histoire de possession héréditaire que descente aux enfers d’une mère de famille obsédée par le contrôle de sa cellule familiale, le film ose une immédiate mise en parallèle entre le contexte (une maison luxueuse) et le travail qui y est pratiqué (la mère conçoit des modèles réduits de maison) pour mieux révéler l’emprise maladive et possessive de ce personnage central, démentiellement joué par Toni Collette.

La fracture qui s’en suit au sein de cette famille un peu timbrée (père effacé, fiston flippé, gamine déphasée) se retrouve ainsi parallélisée avec un doute naissant du rôle réel d’une grand-mère défunte, sur fond de sciences occultes, d’événements horribles et de deuil difficile. Mais à force de tirer à hue et à dia entre deux versants du registre psy, le film finit moins par inquiéter que par frustrer. L’effet aurait pu être intéressant, qui plus est au vu d’une mise en scène puissante qui reproduit le même effet de terreur carpenterienne et de travelling languissant que dans le génial "It follows" de David Robert Mitchell. Mais la sauce peine à prendre, les scènes chocs se suivent à la manière d’une suite de jump-scares consensuels, et l’hystérie de certains instants se dilue dans une ambiance trop morne pour perturber. D’où le fait que l’on sorte de la séance en se disant : « Tout ça pour ça ? ».

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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