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DI BUEN DIA A PAPA

Quelques défauts parasitent la compréhension, mais le film reste intéressant

Entre la mort de Che Guevarra en 1967 et la recherche de sa dépouille en 1997, la vie de Valle Grande est agitée, notamment au sein d'une famille et de son entourage, pour qui le Che revêt une signification particulière…

La construction du film, sans être révolutionnaire, est intéressante car elle confère à l'histoire un statut supérieur qu'elle n'aurait pas eu avec une chronologie linéaire ni même avec une succession conventionnelle de flash-backs. Après un prologue décrivant la mort du Che en 1967, Fernando Vargas Villazón opte en effet pour une structure chronologique à rebours depuis 1997, en remontant 10 ans à chacun de ses quatre chapitres pour revenir en 1967, avant de conclure par un retour en 1997.

Il s'agit d'un véritable défi pour un réalisateur relativement inexpérimenté (c'est son premier long métrage de fiction) car le risque de rendre opaque la compréhension de l'histoire est énorme. On est bien obligé d'avouer que le bilan est mitigé car la compréhension est parasitée par un manque flagrant d'efforts pour identifier les personnages selon les périodes. En effet, tantôt un personnage est joué par la même actrice sans aucune préoccupation pour le vieillissement (le maquillage est-il tabou en Bolivie?), tantôt on a droit à différents acteurs mais qu'il n'est pas toujours simple d'assimiler au même personnage (mais qui est qui, bon Dieu?!), sans parler des liens de parenté (trois personnages sont sensés incarner trois générations au sein d'une même famille alors que les actrices ont sans doute à peine plus de dix ans d'écart entre elles!).

De plus, le film est desservi par un jeu relativement médiocre d'une partie du casting et par des décors et costumes un peu trop aseptisés. Pourtant, le spectateur prend goût à ce puzzle et un tel montage compense une réalisation parfois un peu trop molle, en contribuant largement à l'intérêt du film et à son dynamisme. La complexité du labyrinthe, partiellement involontaire donc, devient un jeu attractif: il s'agit alors de dénouer les ficelles pour reconstituer les liens et la chronologie – un peu comme dans « Irréversible »… même si l'on n'est évidemment pas dans le même style, ni pour l'histoire ni pour l’aspect visuel!

D'autre part, même si le titre du film (le nom de code de l'opération d'assassinat du Che) est une fausse piste car il ne s'agit pas de raconter la vie du Che mais une histoire fictive d'une famille à priori ordinaire, Di buen día a Papá nous en dit long sur l'image du Che depuis sa mort: son importance à la fois individuelle et collective, son statut de symbole (sa dépouille devient un enjeu ahurissant), son utilisation commerciale (iconographique ou touristique), et surtout sa quasi déification (le parallèle avec le Christ est saisissant). Il ne s'agit sans doute que d'une discrète toile de fond mais elle s'avère essentielle à l'intérêt du film. L'imbrication entre éléments historiques et fictionnels est d'ailleurs la principale raison de la fascination que le film revêt.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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