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CLOSED CIRCUIT

Un film de John Crowley

Short Circuit

Farroukh Erdogan, auteur d’un attentat perpétré au cœur de Londres qui a fait 120 victimes, sera au cœur de ce qui promet d’être le « procès du siècle ». Les audiences se tiendront à huis clos et une avocate spéciale, Claudia, est nommée pour consulter des documents secrets que le gouvernement souhaite pouvoir utiliser contre l’accusé. Les choses se compliquent lorsque l’avocat d’Erdogan se suicide, et qu’il est remplacé par Martin Rose, ancien amant de Claudia. En cachant leur intimité d’autrefois, les deux avocats risquent leur carrière…

"Closed Circuit" fait partie de ces films dans lesquels il est difficile de pointer du doigt un défaut majeur plutôt qu’un autre : entre le jeu des comédiens, le développement narratif et les enjeux dramatiques, tous les rouages de la production semblent s’être accordés pour accoucher d’un échec – mais un échec discret, un échec tout en nuances. Rien n’est véritablement mauvais, et rien n’est vraiment bon non plus. À commencer par les intentions : en plaçant le terrible attentat à la bombe qui ouvre le film sur un marché cosmopolite, fréquenté par tous les échantillons de la société multiculturelle londonienne (le Caucasien qui appelle sa femme pour se faire pardonner, la musulmane qui vient faire ses courses, le typé qui vend ses fruits et légumes), le scénariste Steven Knight ("Les Promesses de l’ombre" de David Cronenberg) commence par faire du terrorisme une sorte de fatalité imparable, dénuée de toute racine idéologique ou nationaliste, au sens d’une tragédie divine omnipotente. Son angle d’attaque donne une idée du positionnement moral du film : on sent immédiatement qu’on va avoir le cul entre deux chaises pendant une heure quarante. Et la suite, malheureusement, n’est pas pour nous rassurer.

À l’instar de l’image invraisemblable, répétée deux fois, d’Eric Bana s’exerçant à l’aviron au cœur de la ville de Londres, près de Westminster, le film postule une quantité d’imageries fantasmatiques inspirées, d’une part, des romans d’espionnage à deux sous, et d’autre part des théories modernes sur l’expansion du terrorisme et les outils mis en place pour le combattre. L’homme seul qui rame face aux éléments au centre administratif de Londres veut être une métaphore de l’avocat de la défense bataillant en solitaire contre la justice et l’opinion publique de son pays, décidés à lyncher le coupable idéal de l’attentat, tandis que lui cherche à faire respecter certains idéaux libertaires. C’est au beau – en théorie – mais il faudrait plus solide et plus expressif qu’Eric Bana pour porter le poids poétique de la métaphore ; en l’état, il n’est pas très crédible en monsieur-tout-le-monde dépassé par les événements.

En dehors d’un script aux tournants bêtement attendus et pourtant très mal gérés, la mauvaise idée du film consiste à lui mettre dans les pattes Claudia, une amoureuse de naguère avec laquelle les relations sont au plus frais – histoire de compliquer encore plus un récit par trop alambiqué. Leurs bisbilles d’anciens amants, alors que se joue un événement dramatique, ne font pas que nous ennuyer : elles nous agacent. D’autant que le rôle de Claudia, « avocate spéciale », pour un spectateur qui ne connaît pas sur le bout des doigts les subtilités du code pénal britannique (et d’ailleurs, tous ceux qui ne travaillent pas dans le domaine du droit en Grande-Bretagne s’en contrefichent éperdument), reste obstinément obscur tout au long de la procédure.

Voilà donc un film qui n’énerve pas, qui ne fâche personne, dont la résolution s’avère faussement surprenante – mais qui ne produit, non plus, aucune émotion. La mise en scène est plutôt propre (John Crowley a réalisé "Boy A", le film qui a lancé Andrew Garfield), la photographie très « anglaise », c’est-à-dire un peu grise et terne, mais intéressante, Rebecca Hall et Ciarán Hinds font ce qu’ils peuvent, la bande son passe comme une lettre à la poste… mais on s’ennuie, tout bonnement, pris dans les rouages d’une inextricable et déprimante intrigue. Une preuve supplémentaire qu’il faut se méfier des boniments écrits sur les affiches : « Par les producteurs de "La Taupe" » ne signifie nullement que le film ressemble de près ou de loin au modèle cité. Qu’on se le tienne pour dit.

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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