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CHEAP THRILLS

Un film de E.L. Katz

Des « games » bien plus « funny » que chez Haneke

Deux anciens amis d’enfance, Craig et Vince, se retrouvent par hasard dans un bar. Tous deux sont fauchés : le premier doit trouver au plus vite une grosse somme d’argent pour sortir sa famille d’une situation difficile, et le second survit en faisant de petits trafics ici et là. Un soir, un mystérieux couple leur proposer de participer à une série de jeux, en échange d’une grosse somme d’argent. Le début d’une soirée dont l’issue sera très sanglante…

Le grand vainqueur du PIFFF 2013, c’est lui : un petit film inattendu réalisé par un jeune débutant (en vérité, un ancien journaliste spécialisé dans le cinéma d’horreur) et qui récolta un grand nombre de prix dans plusieurs festivals. Visiblement prévu pour une sortie DVD en mars 2014 (donc sans passer par la case cinéma chez nous, et c’est franchement dommage), "Cheap Thrills" est surtout de cette catégorie de petits thrillers remuants dont on n’attend pas grand-chose en rentrant dans la salle et dont on ressort avec la sensation d’avoir mis les deux doigts dans la prise. D’un synopsis qui tient sur deux lignes (deux amis fauchés sont invités à une soirée organisée dans la villa d’un mystérieux couple), le réalisateur tire une situation joyeusement extrême, quelque part entre un "Funny Games" rigolo et une comédie noire digne des meilleurs films d’Álex de la Iglesia, où une suite de paris stupides (mais très lucratifs) vont placer deux anciens amis d’enfance au cœur d’une compétition de plus en plus sanglante.

On ne révèlera surtout pas en quoi consistent l’ensemble des paris, mais sachez juste que ça devient de plus en plus hardcore au fil du récit (avec, donc, des sommes d’argent toujours plus élevées) et que la plupart d’entre eux ont de quoi faire passer les dommages collatéraux de "Jackass" pour de petits bobos à soigner au Synthol. Le réalisateur E.L. Katz n’hésite pas à appuyer à fond sur le champignon de l’humour noir, titillant parfois notre dégoût en jouant sur le macabre ou la scatologie, mais toujours avec une irrésistible hilarité. Par ailleurs, son crescendo effréné ne se résume en aucun cas à une simple juxtaposition d’actes sadiques sans finalité, puisque chacun d’eux, toujours abordé à travers le prisme d’une compétition malsaine, crée d’emblée une intéressante émulation chez les deux protagonistes, les poussant ainsi à dire tout haut ce qu’ils n’ont jamais osé s’avouer et à prendre sans cesse le dessus sur l’autre, quitte à se faire très mal ou à commettre le pire.

La violence d’un tel propos, qui maintient dans son viseur la propension de l’homme moderne à placer son avidité au-dessus de tout le reste (et parfois pour des raisons hélas bien compréhensibles, comme c’est le cas ici), se révèle ainsi plus forte que les quelques fulgurances gore qui pimentent l’intrigue. Et sur ce point, sans atteindre une virtuosité identique en terme de mise en scène (laquelle, ici, manque souvent de relief), "Cheap Thrills" rejoint assez bien la cruauté des comédies sociales d’Álex de la Iglesia, ce dernier n’y allant jamais par quatre chemins pour stigmatiser avec humour la course au pognon que se font les individus, parfois au risque de leur propre vie. Ajoutez à cela des acteurs qui s’éclatent (la gueule), un rythme sans temps mort, un plan final tout bonnement hilarant, et ces « frissons bon marché » auront de quoi vous procurer de sacrées sensations fortes.

Guillaume GasEnvoyer un message au rédacteur

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