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AUGUSTINE

Un film de Alice Winocour

Un hystérique peut en cacher un autre…

Dans le Paris de la fin du XIXème, le professeur Charcot est reconnu pour ses travaux sur une maladie encore énigmatique : l’hystérie. Mais lorsque le cas de la jeune Augustine s’offre à lui, celui-ci va voir en elle bien plus qu’un simple cobaye…

Pour ses débuts derrière la caméra, Alice Winocour a choisi d’opter pour l’originalité en s’intéressant à un homme méconnu du grand public, mais qui fut pourtant l’un des plus grands cliniciens français, le professeur Jean-Martin Charcot. Néanmoins, cet illustre personnage ne sera pas le protagoniste du long-métrage, se faisant voler la vedette par une jeune ingénue, Augustine. Celle-ci est interprétée par la chanteuse Stéphanie Sokolinski, alias Soko, aperçue dans « À l’origine » de Xavier Giannoli, qui nous montre, ici, toute l’étendue de son talent, s’affirmant définitivement comme l’une des actrices montantes de sa génération.

Augustine a 19 ans, elle est servante pour une famille de notables depuis son adolescence et mène une existence des plus paisibles, sauf quand elle est en proie à de terribles crises de convulsions, aux évocations sexuelles non dissimulées. Afin de trouver un remède et une explication à ses errances, elle se voit envoyée dans l’hôpital du professeur Charcot (interprété par un Vincent Lindon en grande forme). Et c’est précisément à cette relation que la réalisatrice va s’intéresser, dressant subtilement le portrait d’une jeune fille cherchant à séduire par son corps, bien qu’elle n’en possède plus le contrôle. Refusant la simple approche naturaliste, Alice Winocour va saupoudrer son récit de fantastique pour lui donner une dimension de thriller, mystifiant la maladie dans une atmosphère oppressante. La trame narrative va évoluer au fil des fluctuations des liens qui unissent les deux protagonistes, d’une relation minimaliste à une bien plus étrange et malsaine.

Mais la possession dont semble souffrir la patiente n’est peut-être pas celle à laquelle on s’attend. Transformant son Augustine en une bête de foire, simple animal qu’on expose à la vue d'une foule d’aristos en manque de sensations fortes, le médecin se change en un véritable bourreau. Aigri, arrogant, présomptueux, le personnage du professeur Charcot accumule les défauts, le spectateur se demandant alors ce que son entourage peut apprécier en lui. Mais habilement, la réalisatrice ne tombe pas dans la caricature et se sert de ces caractéristiques pour créer une situation d’interdépendance : le malade a autant besoin du médecin que l’inverse ; pire, l’hystérie va paraître changer de camp, le clinicien courant après la maladie pour mieux la comprendre. Alice Winocour va alors cadrer ses plans avec une précision chirurgicale, ne laissant rien au hasard. Jamais, le film ne semble lui échapper. Et c’est dans la relation intime entre les deux rôles principaux qu’elle va insérer tous les codes classiques de la dramaturgie pour dynamiser son récit et empêcher la simple succession d’expériences.

Si nous sommes en droit de regretter quelques choix scénaristiques, notamment les différents témoignages face-caméra, ce premier film demeure très prometteur. Disséminant tous les éléments d’une fiction complexe, la réalisatrice se sert de son « Augustine » pour évoquer la condition féminine, offrant un manifeste bien plus politique et efficace que les autres entreprises actuelles en la matière. En choisissant de concentrer sa reconstitution sur le drame intimiste, et en refusant l’overdose de scènes de crises d’hystérie, Alice Winocour a aisément réussi son pari. Sans aucun doute, une cinéaste à suivre de près !

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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