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ALBERT NOBBS

Un film de Rodrigo García

On n'est jamais mieux servi que par soi-même

Dans un petit hôtel de Dublin, Albert Nobbs fait partie des servants. Toujours vêtu de manière impeccable, à l’affût du moindre besoin des clients, peu loquace, il s’enferme le soir venu dans sa chambre et cache méticuleusement ses revenus sous son plancher. Mais le voici bien embêté lorsque sa patronne lui ordonne de partager un temps son couchage avec Monsieur Page, un homme venu réaliser quelques aménagements…

Elle aura mis 15 ans à faire produire sous forme de film, « Albert Nobbs », pièce qu'elle avait joué en 1982 off-Broadway. Glenn Close s'est ainsi offert un rôle en or, qui pourrait lui valoir une nouvelle nomination à l'Oscar de la meilleure actrice, pour cette composition d'une femme se faisant passer pour un homme, dans le Dublin du XIXe siècle. C'est Rodrigo Garcia, réalisateur de « Ce que je sais d'elle, d'un simple regard » et grand prix de Deauville 2010 avec « Mother and child » (avec Annette Bening) que l'on retrouve derrière la caméra, pour un nouveau portrait de femme, volontairement ancrée dans une certaine clandestinité de manière à assurer sa survie en des temps où misère et chômage étaient omniprésents.

Saisissant parfaitement le mépris de riches oisifs pour ceux qui les servent, il dissèque les relations internes à ce microcosme que constitue l'hôtel, sans pour autant approcher la maestria d'un Robert Altman avec « Gosford Park ». Car son sujet n'est pas uniquement là, dans les relations entre servants, leurs jalousies et les secrets que livre la promiscuité. Albert, épris d'un rêve, illustré par des parenthèses colorées, accumule méticuleusement le moindre penny, qu'il cache sous une latte de son plancher. Il rêve d'un foyer au sens propre comme au figuré, d'une femme qui s’assiérait au coin d'un feu rassurant. Mais tout cela n'est pour lui qu'une image, car Albert n'a pas la moindre notion de ce que peut être la sexualité, il cherche juste une solution pratique à son problème : trouver une employée pour son futur tabac, sans attirer l'attention et en gardant la respectabilité qu'attire le genre masculin.

Glenn Close délivre dans cet improbable rôle une prestation toute en retenue, emprunte d'une naïveté désarmante. Sa voix roque, son visage fermé, sa raideur amplifiée au contact des autres, l'homme porte un corset qui symboliserait presque sa situation de femme prise au piège de sa condition usurpée. Rigide, craintif, ce personnage n'est en apparence guidé que par la peur d'être découvert, mais il est surtout bloqué par les barrières qu'il s’est créées avec le monde qui l'entoure, un monde qu'il n'ose jamais, comme ses maîtres, regarder dans les yeux. C'est la découverte d'une autre personne dans la même situation et des arrangements avec les conventions sociales qu'elle a osés, qui lui feront prendre tous les risques. Au final « Albert Nobbs » constitue un portrait dont les limites résident certainement dans un misérabilisme affiché et l'aspect monolithique d'un personnage dont le visage ne s'illumine que rarement, bloqué par les conventions d'une époque des plus austères.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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