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A BEAUTIFUL DAY

Un film de Lynne Ramsay

Joaquin Phoenix survole un film qui confond sophistication et vanité

Alors que la fille d’un sénateur disparaît, Joe se retrouve engagé pour la retrouver. Progressivement, il découvre un réseau de prostitution et des enjeux impliquant de nombreux hommes politiques influents. Le début d’une spirale de violence…

Après l’implacable et saisissant "We Need to Talk About Kevin", Lynne Ramsay revient après six ans d’absence pour nous livrer une œuvre tout autant percutante. Avec une maestria esthétique, la réalisatrice dépeint le parcours d’un homme cabossé, embarqué malgré lui dans une sombre histoire de corruption et de trafic d’enfants. Lorsque celui-ci est engagé pour retrouver une jeune adolescente, fille de sénateur, difficile d’imaginer la spirale sanglante dans laquelle il va se retrouver plongé. Mais Joe n’est pas un individu lambda, c’est une véritable machine à casser des gueules, banalement avec un pistolet ou plus singulièrement avec un bon vieux marteau.

L’originalité du film tient avant tout à l’autopsie psychologique de son protagoniste. Par un montage magistral, en particulier sur le travail sonore, les fantômes du passé ressurgissent en permanence, des flashs kaléidoscopiques, témoins des traumatismes de l’enfance ou des blessures de guerres jamais guéries, enrobent la pellicule avec lyrisme et poésie. Ces projections brouillent la réalité du personnage, comme le présent dépeint par le métrage, l’installant dans une ambiance fantasmagorique captivante où les notes de Jonny Greenwood électrisent la bande-son. Par de lents travelings, la caméra nous invite aussi bien dans les méandres d’une société pourrie que dans l’esprit torturé d’un être dont la brutalité et la rage féroce sont ses seuls moyens pour exorciser ses tourments.

Néanmoins, si les qualités plastiques sont indéniables, l’exercice de style se retrouve moins troublant que prévu, la faute à une radicalité formelle omniprésente où le fond se retrouve limité à une vulgaire intrigue de polar type série B (les hommes politiques sont forcément méchants et corrompus). Dans sa proposition visuelle, Lynne Ramsay finit par se répéter, accentuant la violence pour combler le vide abyssal de son scénario perdu dans de grotesques ramifications. Creux et redondant, "A Beautiful Day" s’enlise dans une mise en scène tape-à-l’œil où les seules velléités semblent être celles de faire la démonstration du talent de sa cinéaste. Au milieu de tous ces artifices, demeure la performance lumineuse et époustouflante de Joaquin Phoenix. Si le prix du Scénario au Festival de Cannes 2017 apparaît comme une farce de mauvais goût, le prix d’interprétation masculine est lui difficilement contestable.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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